Prêche #59 « La vie après la mort dans le Coran » (Anne-Sophie Monsinay, 14 décembre 2024)
Après la mort d’un proche, nombreuses sont les personnes s’interrogeant sur les étapes et l’état de l’âme de leur défunt. Au-delà de se rassurer, les réponses apportées à ces questionnements participent pleinement au processus de deuil. Par ailleurs, comprendre le fonctionnement de l’après vie terrestre permet de donner du sens à notre lien à Dieu et à nos pratiques religieuses. Il s’agit donc d’un sujet à la fois fondamental et extrêmement délicat car les informations socio-historiques dont nous disposons sur les primo-musulmans ne seront pas d’une grande aide pour élucider l’après-vie terrestre. La science quant à elle offre aujourd’hui quelques éléments de réponse avec les études sur les expériences de morts imminentes (EMI). Si ces dernières permettent de prouver l’existence d’une vie après la mort, avec l’idée que l’âme survit à la mort du corps, elles ne donnent pas de détails sur les étapes de l’après vie. Seuls les textes sacrés pourront apporter des éléments de réponse plus précis.
Prouver l’existence de la vie après la mort
Le Coran développe à de nombreuses reprises les étapes de l’après vie mais cherche surtout à convaincre les auditeurs de la révélation de l’existence d’une vie après la mort. Un des reproches récurrents adressé aux idolâtres dans le Coran est leur refus de croire que Dieu peut ressusciter les morts. Ainsi, l’idée de la résurrection des morts suivie d’un jugement sera clairement affirmée dans le Coran par exemple :
Vraiment, c’est Nous qui vivifions les morts. Et certes, Nous écrivons ce qu’ils ont fait ainsi que les traces qu’ils ont laissées. Nous avons consigné toute chose dans un Original explicite. (Coran 36 : 12)
C’est Nous qui avons déterminé la mort parmi vous, et Nous ne serons pas devancé pour vous remplacer par vos semblables et vous faire exister dans une condition que vous ne connaissez pas. (Coran 56 : 60-61)
L’humain dit : « Lorsque je serai mort, me fera-t-on sortir vivant ? » L’humain ne réfléchit-il pas sur le fait que Nous l’avons précédemment créé alors qu’il n’était rien ? (Coran 19 : 66-67)
Dieu va chercher à convaincre son auditoire d’adhérer à l’idée de l’existence de la vie après la mort, présentée comme garante de l’existence de Dieu. Ainsi, la foi en un Dieu Unique et au Jour dernier seront fondamentaux en islam, ce Jour étant celui de la rencontre avec Son Seigneur. Pour convaincre, la rhétorique coranique fait souvent appelle à des métaphores utilisant des éléments perceptibles par les sens humains (la vue, l’ouie, le toucher) ou les expériences inhérentes à notre condition humaine. Les signes de la nature seront très souvent mis en avant pour inviter le croyant à réfléchir sur le parallélisme entre les cycles présents dans la nature et ceux de la mort et de la vie :
N’y a-t-il pas un signe pour eux dans la terre morte que Nous faisons revivre, et de laquelle Nous tirons des grains dont ils se nourrissent ? (Coran 36 : 33)
Dans la sourate 39, le sommeil sera aussi comparé à l’état de la mort avec l’idée que l’âme (nafs) quitte le corps durant le sommeil pour le réintégrer au réveil, à l’exception des personnes qui ne se réveilleront plus suite à un décès. Dans ce cas, Dieu garde leur âme à Ses côtés. Lors du sommeil, l’âme entre dans un contact plus direct avec Dieu, dépouillée du voile de nos structures mentales et de nos préoccupations quotidiennes. Le sommeil a donc une fonction régénératrice non seulement pour notre corps et notre cerveau mais aussi pour notre âme en offrant une purification spirituelle. De plus, en dormant, l’être humain est confronté quotidiennement à la mort. Ce verset coranique permet de banaliser la mort par sa proximité récurrente dans nos vies et en nous faisant comprendre qu’elle se doit d’être envisagée non pas comme une difficulté ni dans la douleur mais comme un simple passage menant vers son Seigneur. Pour les mystiques, la mort prendra alors une forme de libération qui permettra de retrouver Dieu. Le Coran nomme cela le Paradis. En revanche, pour ceux qui n’ont pas œuvré dans les sentiers de Dieu, le Jugement sera plus difficile avec des conséquences plus difficiles à vivre pour leurs âmes puisqu’ils subiront le poids de la séparation. Le Coran nomme cela l’Enfer.
Inciter les croyants à concevoir l’après vie terrestre est d’autant plus important que cette dernière se veut prépondérante et plus importante que la vie actuelle. Plusieurs versets insistent à la fois sur la brièveté de notre vie terrestre et sur son aspect secondaire vis-à-vis de l’autre vie :
O mes gens, cette vie d’ici-bas est seulement un usufruit éphémère alors que, vraiment, l’Ultimité est la Demeure de la stabilité. (Coran 40 : 39)
Cette vie d’ici-bas n’est que jeu et distraction ! Vraiment, la demeure ultime est la Vie ! S’ils savaient ! (Coran 29 : 64)
Le terme lahoun renvoie à l’idée de « jeu, distraction, passe-temps, frivolité, divertissement, amusement » et le terme laeib renvoie à celle de « jeu, badidage, divertissement, amusement, distraction ». Ces deux termes synonymes soulignent l’insistence du Coran sur cette idée de distraction et indiquent l’objectif de la vie terrestre qui teste chaque croyant sur ses choix, ses actes, ses intentions tout en désabsolutisant l’importance de cette dernière. Il s’agit ici d’un paradoxe car nous serons jugés sur ces actes, ces choix, ces intentions et en même temps, nous devons avoir conscience du caractère éphémère de notre passage sur terre ce qui implique un certain détachement et nos investissements.
A qui s’adressent le Paradis et l’Enfer ?
Dans le Coran, Dieu menace de l’enfer ceux qui pratiquent l’idolâtrie, rejettent l’Unicité de Dieu et agissent mal vis-à-vis des autres. Il promet l’accès au Jardin (jannah) à ceux qui reconnaissent l’Unicité divine et œuvrent pour le bien. (Coran 13 : 29) Ce Jardin (Paradis) n’est donc pas destiné qu’aux musulmans et le fait de se considérer musulman ne garantis pas son accès. Toute personne sera jugée sur la sincérité de sa foi et les œuvres qu’elle aura accomplies. Le Coran mentionne les gens du livre, c’est-à-dire les croyants qui ont reçu une autre révélation que celle de Muhammad, en citant explicitement les juifs et les chrétiens, et en leur garantissant l’accès au Paradis s’ils sont sincères dans leur foi et œuvrent en bien :
Dieu a conclu l’Alliance avec les Fils d’Israël. Et Nous avons envoyé 12 responsables issus d’eux. Et Dieu dit : « Vraiment, Je suis avec vous si vous pratiquez la prière, versez l’aumône, mettez en œuvre de Dépôt confié par Mes messagers, et si vous les assistez, et si vous faites à Dieu un prêt excellent, J’effacerai vos méfaits et Je vous ferai pénétrer dans des Jardins sous lesquels coulent des ruisseaux. Alors, après cela, quiconque parmi vous dénierait, s’égarerait du juste chemin. (Coran 5 : 12)
Vraiment, ceux qui ont mis en œuvre le Dépôt confié, et ceux qui ont professé le Judaïsme, et les Chrétiens, et les Sabéens – quiconque a mis en œuvre, par Dieu et en vue du Jour ultime, le Dépôt confié, et a œuvré en toute intégrité – ceux-là auront alors leur rétribution chez leur Seigneur. Ils ne craindront ni ne seront attristés. (Coran 2 : 62)
Cela n’exclut pas pour autant d’autres traditions religieuses non citées dont les partisans seront soumis aux mêmes conditions de jugement.
Le Coran insiste sur 3 points pour accéder au Paradis :
– l’importance de la foi et de l’entretien du lien à Dieu
– l’éthique de vie consistant en la maitrise de soi et à la bonté envers autrui
– les œuvres pieuses envers son prochain (ex : l’aumône)
La formule الَّذِينَ آمَنُواْ وَعَمِلُو (alladhina amanu wa Amilu), « ceux qui croient et accomplissent de bonnes œuvres », récurrente dans le Coran, indique à la fois l’importance et le lien de ces deux aspects pour incarner l’idéal divin. Dieu invite en effet régulièrement à être endurant dans nos efforts :
Sois endurant ! Vraiment, Dieu ne laisse pas se perdre la rétribution des excellents. (Coran 11 : 115)
Quant à l’enfer, le Coran y convoque ceux qui présentent les attitudes suivantes, sans exprimer de repentance :
– ceux qui détournent du chemin de Dieu, les dénégateurs (Coran 2 : 162), qui renie la vie après la mort (Coran 7 : 44-45) et rejettent les signes de Dieu après les avoir reçus (Coran 7 : 52)
– ceux qui commettent des injustices (Coran 7 : 44 / Coran 20 : 74)), qui s’enorgueillissent et se pensent autosuffisant (Coran 7 : 48), qui se moquent de Dieu (Coran 7 : 51) : ils associent alors leur ego à Dieu en pensant Le substituer.
La condamnation ne repose pas tant sur les actes commis mais sur l’attitude de la personne (les actes n’en sont que les conséquences). Voilà pourquoi le Coran indique que le seul péché que Dieu ne pardonne pas est l’associationnisme ou l’idolâtrie (chirk). Il ne s’agit pas simplement de porter sa foi sur des statues de pierre ou de bois mais d’adorer et d’élever au rang divin son propre égo. Al Ajami associe le chirk à « l’egolatrie » qui implique des comportements tyranniques envers autrui. Là encore, l’absence de foi est directement associée à cette attitude. Se pose alors la question des athées d’aujourd’hui ? Peut on considérer que le Coran les condamne à l’enfer ? Les athées n’étant pas idolâtre, il n’associe aucune statue à Dieu et ne réalise donc pas le premier degré de l’associationnisme. Or, nous constatons dans le Coran que l’absence de foi des idolâtres est la conséquence directe de leur attitude intérieure, indigne de leur condition humaine. Une simple absence de foi ne saurait donc condamner quelqu’un à l’enfer, d’autant plus si cette personne œuvre en bien, maîtrise son ego et adopte une attitude éthique envers autrui. En revanche, l’attitude et la disposition intérieure de chacun est jugée, indépendamment de l’étiquette religieuse qui pour certain n’est qu’une façade cachant une véritable idolâtrie tyrannique.
Qu’est-ce que le Paradis et l’Enfer ?
Jardin et Feu
Le Coran évoque deux « lieux » post mortem nommés par « Jardin » (Jannah) et « Feu » (Nar) ou Gehenne (Jahannam) (Feu intense). Les descriptions de l’enfer sont parfois assez terribles. Il y a clairement une volonté d’effrayer pour faire réagir. Cela semble avoir fonctionné. A l’époque et aujourd’hui encore, beaucoup de musulmans pratiquent uniquement par crainte de l’enfer. Ils croient que le Coran est la Parole de Dieu et que, s’ils ne suivent pas ce que Dieu ordonne et interdit, ils iront en enfer. On peut légitimement se dire qu’il est dommage d’avoir besoin de recourir à la méthode de la carotte et du bâton (la récompense du Paradis vs le châtiment de l’Enfer) pour inciter les gens à croire et à pratiquer. Cependant, on peut aussi y voir des aspects positifs. Cela a tout d’abord permis de toucher beaucoup de personnes et de permettre à l’islam de se développer. Sans ces menaces, peut être que très peu de gens auraient eu la foi à l’époque de la révélation et la religion islamique se serait éteinte à ses prémisses. En outre, cette technique est l’opportunité pour certains croyants de commencer à pratiquer et éventuellement d’évoluer plus tard vers une compréhension plus profonde de Dieu grâce aux effets spirituels que les pratiques auront produites en eux.
Néanmoins, cette peur de l’enfer a aussi des conséquences désastreuses sur le rapport à Dieu d’un certains nombres de coreligionnaires, entrainant notamment une grande culpabilisation douloureuse à vivre. Ainsi, il convient de diffuser et de réaffirmer le sens profond et spirituel de l’Enfer et du Paradis dans le Coran.
Les descriptions eschatologiques se caractérisent par une profonde matérialité et font appel aux sens de l’être humain. Cela pose un premier problème étant donné qu’elles décrivent un monde spirituel par définition immatériel. Au moment de la mort, l’âme quitte son corps qui reste sur terre et est ainsi dépossédée de son enveloppe charnelle. Pourtant, ce sont bien les sens qui sont sollicités. Le Paradis est décrit comme un Jardin agréable, un lieu idéal pour le corps qui pourra assouvir tous ses désirs par de bonnes nourritures et une compagnie agréable (les femmes pures et chastes et les jouvenceaux). Précisons au passage que ces femmes ne sont pas des épouses offertes aux hommes mais simplement des compagnes. Comme l’explique Al Ajami, « le verbe zawwajâ prend le sens d’épouse uniquement lorsqu’il est employé avec la préposition min, ce qui n’est pas le cas ici. Ainsi, les houris ne sont-elles donc que les compagnes des hôtes du Paradis. »[1] La pureté de ces femmes désigne simplement leur état spirituel élevé. Il serait effectivement étrange qu’au Paradis, les interdits terrestres deviennent autorisés en permettant une polygamie illimitée et de boire du vin à volonté. De plus, le Coran évoque également l’équivalent masculin des houri par le terme wildan traduit par « éphèbes, jouvenceaux, échansons, jeunes serviteurs, jeunes garçons » comme par exemple :
Parmi eux (les hôtes du Jardin), circuleront des éphèbes d’une éternelle jeunesse, avec des calices, des aiguières et des coupes remplis d’une liqueur exquise, dont ils ne seront ni déprimés ni enivrés. (Coran 56 : 17)
Mise à part ces erreurs de compréhension, les descriptions n’en demeurent pas moins sensorielles et matérialistes, centrées sur des conditions climatiques idéales pour les peuples du désert d’Arabie, c’est-à-dire des lieux offrant beaucoup de fraicheur grâce aux ombrages et aux ruisseaux qui coulent en abondance. Il faut bien évidemment aller au-delà. Comment décrire un monde spirituel immatériel à des êtres humains qui ne perçoivent leur monde qu’à travers leurs facultés sensorielles ? De la même manière qu’il serait impossible de décrire le ciel à un bébé dans le ventre de sa mère, car il ne saurait entrevoir la couleur bleue ni même comprendre notre langage, Dieu use de paraboles et de métaphores pour décrire le monde post-mortem. Le Coran indique explicitement avec le terme mathal que ces descriptions sont symboliques. Mathal signifie en effet « Allégorie, ressembler, symbole, parabole ». On trouve par exemple dans la sourate 13 :
Allégorie (Mathal) du Paradis promis à ceux qui se préservent : les ruisseaux y courent en dessous, fruits et ombre fraîche en permanence, telle est l’Ultimité de ceux qui se préservent ; et l’Ultimité de ceux qui auront dénié sera le Feu. (Coran 13 : 35)
La symbolique du Paradis
Dans le Coran, le Paradis renvoie à la proximité avec Dieu et à un état de paix :
O Toi âme apaisée, retourne à Ton Seigneur, satisfaite et agrée. Aussi, entre parmi Mes adorateurs, et entre dans Mon Jardin. (Coran 89 : 27-30)
Ils (les hôtes du Jardin) n’entendront là ni futilité ni incitation transgressive : seulement un dire : « Paix ! Paix ! » (Coran 56 : 25-26)
L’accès au Paradis est une promesse de Dieu d’après le Coran pour toute personne sincère dans sa foi et dans ses efforts pour cheminer vers Dieu.
Ceux-là, dont Nous acceptons le meilleur de ce qu’ils ont fait, et pour lesquels Nous passons sur leurs méfaits, seront les hôtes du Jardin, selon la promesse véridique qui leur a été faite. (Coran 46 : 16)
Le Jardin sera avancé tout proche pour ceux qui prennent garde. Voici ce qui vous a été promis, pour tout être se repentant sans cesse, respectueux, qui redoute le Tout-Rayonnant d’Amour devant le Mystère et vient avec un cœur repentant. (Coran 50 : 31-34)
Le terme waed signifie « promesse, engagement, parole donnée ». Le verset indique que cette promesse est garantie à ceux qui cheminent avec sincérité, même s’ils ne sont pas arrivés à la perfection spirituelle. C’est pour cela qu’un croyant qui chemine avec sincérité ne doit jamais se décourager en cas de fautes, d’erreurs, ou de difficulté à faire face à l’adversité, ni vivre dans la peur d’un châtiment car Dieu s’engage aussi à la miséricorde :
Dis : « Ô Mes serviteurs qui avez été excessifs envers vous-même, ne désespérez pas de la miséricorde divine ! En vérité, Dieu couvre tous les manquements ! » Vraiment, Lui, Le Très-recouvreur, le Très Rayonnant d’amour ! (Coran 39 : 53)
Il (Dieu) s’est prescrit lui-même la miséricorde. Sûrement, Il vous rassemblera au Jour de la Résurrection, nul doute à ce sujet. (Coran 6 : 12)
Ainsi, les bonnes actions surpassent les mauvaises actions à partir du moment où l’intention est pure. C’est pour cela qu’une sourate coranique distingue différentes sortes de Paradis selon le degré spirituel de chacun. Ces catégories renvoient à différents degrés de proximité avec Dieu :
Vous serez alors répartis en trois catégories : celle des gens de la dextre, qui formera le groupe des bienheureux, celle des gens de la sénestre, qui formera le groupe des malheureux, et les devanciers qui seront, eux, les premiers à être, auprès de Dieu, les plus rapprochés, dans les Jardins des délices. (Coran 56 : 7-12)
Les deux degrés du Paradis peuvent aussi amener à deux catégories d’âmes différentes en fonction de leurs désirs. Après le décès d’un proche, l’une des interrogations des membres de la famille est de savoir s’ils reverront ce proche disparu après leur mort. Bien que le Coran n’aborde pas directement cette thématique, un verset coranique peut y répondre indirectement :
« Pénétrez là en paix ! Voici le Jour de la pérennité. » Ils auront là ce qu’ils veulent. Et auprès de Nous est un surcroit. (Coran 50 : 34-35)
Le verset indique ici qu’un habitant du Paradis pourra y obtenir ce qu’il désire. Evidemment il ne s’agit pas de désirs futiles et matériels car les âmes présentent en ce lieu auront atteint un certain degré spirituel élevant ainsi leurs désirs et seront de toute façon dépourvues de corps physiques. Il s’agit plutôt des désirs de l’âme. Ainsi, on peut supposer qu’une personne désirant être à proximité d’une autre personne pourra l’obtenir. La fin du verset indique également que le désir de la Proximité divine est le plus noble désir, et vise peut être ceux qui seront dans la catégorie des rapprochés.
Les soufis divergent quant au degré de proximité des rapprochés. Certains penchent pour une co-existence des âmes auprès de Dieu, d’autres pour un retour complet de l’âme à Dieu, une Union absolue de l’âme, une réintégration, comme avant sa création. Deux célèbres versets vont dans ce sens :
Et n’invoque pas un autre dieu avec Dieu. Point de divinité sinon Lui ! Toute chose péri, sauf Sa face. A Lui le jugement. Et jusqu’à Lui vous serez réintégrés. (Coran 28 : 88)
Perdure la Face (wajh) de ton Seigneur, plein de majesté et de noblesse. (Coran 55 : 27)
Quoiqu’il en soit cet état paradisiaque n’est pas que post mortem. Il peut s’atteindre ici et maintenant, lorsque nous trouvons en nous-même l’Union avec Dieu. Ibn Arabi l’évoque en ces termes : « « Quand tu es entré dans mon paradis, alors tu es entré en toi-même (dans ton « âme » nafs), et tu te connais d’une autre connaissance, différente de celle que tu avais quand tu connaissais ton Seigneur par la connaissance que tu avais de toi-même », car désormais tu le connais, Lui, et c’est par Lui que tu te connais toi-même. »[2]
La symbolique de l’Enfer
Par ces descriptions sensorielles d’un monde idéal pour le Paradis (la nature, de la nourriture et de l’ombre pour se protéger du soleil) et repoussant pour l’Enfer (le feu), nous en gardons deux impressions : le premier renvoie au bonheur et à la joie quand le second évoque la souffrance et la peine. Il est par ailleurs intéressant de remarquer l’exagération de certaines descriptions qui frisent le ridicule. Par exemple :
En vérité, ceux qui auront renié Nos signes, Nous les précipiterons dans l’Enfer et, chaque fois que leur peau aura été consumée, Nous leur en donnerons une autre en échange, afin qu’ils savourent toute l’horreur de leur supplice, car Dieu est Puissant et Sage. (Coran 4 : 56)
Comme s’il n’était pas assez douloureux de brûler la peau une fois, cette souffrance se répétera indéfiniment. Pour les mystiques, « ceux qui renient les signes de Dieu », c’est à dire ceux qui n’ont pas la foi, sont en enfer car ils se coupent de leur nature divine et de la spiritualité. Or, nous sommes des créatures spirituelles, appelées à réaliser notre nature spirituelle sur terre. L’enfer est donc avant tout intérieur et palpable dès maintenant. Une vie sans spiritualité est vide de sens et remplie de souffrances, plus ou moins conscientes selon les individus. L’enfer est la souffrance résultant de l’absence de Dieu que ce soit avant ou après la mort, que l’on soit croyant ou incroyant. Le Coran se fait écho de cette séparation avec Dieu en enfer dans ces versets :
Attention ! Vraiment, en ce jour, un voile les empêchera de voir leur Seigneur. Puis, vraiment, ils brûleront dans la Fournaise ! (Coran 83 : 15-16)
Vraiment, ceux qui échangent à un vil prix l’engagement de Dieu et leurs serments, n’auront aucune part de créativité dans l’Ultimité et Dieu ne leur parlera pas, ni ne les regardera au Jour de la Résurrection, et Il ne les fera pas croître en pureté. Pour eux, une correction douloureuse. (Coran 3 : 77)
Les termes utilisés pour désigner l’enfer renvoie aussi à cette éloignement avec Dieu. Nous trouvons le terme ‘adhab qui signifie « peine, tourment, châtiment, correction » et dont la racine renvoie à l’idée d’éloignement et d’abandon ainsi que le terme la’nat dont la racine signifie : « chasser quelqu’un de se présence, repousser, éloigner » dans la sourate 4 : 93 :
Qui tue volontairement quelqu’un qui a mis en œuvre le Dépôt confié aura pour rétribution la Géhenne dans laquelle il demeurera indéfiniment, et Dieu portera Sa colère contre lui et alors le chassera de Sa présence (la’nat), et préparera pour lui une correction (‘adhab) sans commune mesure. (Coran 4 : 93)
Le Paradis et l’Enfer sont-ils éternels ?
L’enfer après la mort est un passage de séparation avec Dieu qui n’est pas une punition mais une purification de l’âme. Ainsi, pour certains théologiens, l’enfer n’a pas vocation à durer éternellement. Dans son commentaire du Coran, Fahr ad-Din Razi, un théologien perse du 12ème siècle, indique que les demeures eschatologiques n’ont pas de durée infinie mais indéfinie et que Dieu peut choisir d’en sortir qui Il veut. René Guénon rejoint cette idée dans ses ouvrages « Les principes du calcul infinitésimal » et « Les états multiples de l’être » (Chap 1). Un premier verset coranique soutient l’hypothèse de demeures eschatologiques provisoires :
Vraiment, la Géhenne se tiendra en embuscade, lieu de retour pour qui transgressent les limites, séjournant des âges en elle (alqâban) (Coran 78 : 21-23)
Maurice Gloton indique que le terme alqâban signifie « un espace de 80 ans minimum, un grand laps de temps, âge, année ». Ainsi, le séjour en enfer se veut long mais pas éternel. Mais un autre passage coranique se veut déterminant quant à cette idée. Ce dernier passe parfois inaperçue dans les traductions françaises du Coran selon que le terme khalidun soit traduit par « infini » ou « indéfini ». Voici la traduction de Maurice Gloton des versets 107 et 108 de la sourate 11 :
Quant à ceux qui seront infortunés, ils seront dans le Feu. Pour eux, en lui : gémissements et sanglots. Ils y resteront indéfiniment (khalidun) tant que les cieux et la terre continueront d’exister, sauf ce que ton Seigneur aura voulu. Vraiment, Ton Seigneur ne cesse d’agir selon ce qu’Il vise !
Quant à ceux qui seront bienheureux, ils seront dans le Jardin. Ils y resteront indéfiniment (khalidun) tant que les cieux et la terre continueront d’exister, sauf ce que ton Seigneur aura voulu comme don permanent. (Coran 11 : 107-108)
Le terme khalidun signifie « durer indéfiniment, immortel, se conserver longtemps » Maurice Gloton considère que l’indéfini est un intermédiaire entre le fini, à l’image de notre monde terrestre, et l’infini, qui renvoie au divin.[3] Ces deux versets ouvrent la porte à de nombreuses perspectives :
– la purification d’une âme en enfer peut lui permettre de retrouver le contact avec le divin une fois le processus de purification achevé et donc d’accéder au Paradis. Le passage « Ton Seigneur ne cesse d’agir selon ce qu’Il vise » sous-entend qu’il y a une sagesse divine derrière ce passage purificateur qui dépasse l’idée d’une condamnation perpétuelle qui n’apporterait rien à l’âme.
– Le passage « tant que les cieux et la terre continueront d’exister » indique que ces demeures ne sont valables que durant le temps terrestre et sont susceptibles d’évolution à la fin des temps.
– Si l’enfer présente une durée indéfinie, il en va de même pour le Paradis. D’après ce verset, certaines âmes peuvent être au Paradis durant un temps puis en être sortie, « sauf ce que Ton Seigneur aura voulu comme don permanent » qui y demeureront définitivement. Or, si une âme est sortie du Paradis, c’est qu’elle irait ensuite en Enfer. Quel sens pourrait-il y avoir pour une âme d’être rapprochée de Dieu avant d’en être éloigné ? La seule explication à mon sens serait une réincarnation de l’âme sur terre. Elle ne quitterait pas le Paradis pour l’Enfer mais pour une autre vie terrestre.
La réincarnation en islam
La théorie de la réincarnation est principalement présente et fondamentale dans les traditions asiatiques, notamment le bouddhisme et l’hindouisme. Bien qu’elle ne soit pas absente des traditions abrahamiques, elle relève de positionnements théologiques minoritaires et n’est clairement pas manifeste ni explicite dans nos textes saints. Pourtant, cette théorie a été développée par certains penseurs dans chacune des 3 religions d’Abraham, essentiellement dans les courants mystiques, et nous pouvons trouver dans nos textes des évocations, souvent implicites mais bien présentes, de la réincarnation. C’est pourquoi, il me semble pertinent de l’aborder au cœur de la thématique de la vie après la mort, car elle impacte la vision que nous pouvons avoir de l’après vie et du sens de nos vies terrestres.
Un premier point à souligner est qu’il semblerait que, quelle que soit la véracité de la réincarnation, Dieu n’a visiblement pas estimé fondamental pour nous croyant d’en avoir connaissance puisque nos textes ne la stipule pas clairement. Cependant, la place importante qu’elle occupe dans les deux grandes traditions indiennes mérite que l’on s’y attarde.
Le principe de la réincarnation est que l’âme, après avoir quitté son corps terrestre, revient sur terre dans un autre corps. Il est donc différent de la résurrection qui se limite à la première étape : celle de quitter le corps terrestre. Dans les traditions asiatiques, l’âme humaine peut se réincarner dans des formes minérales, végétales, animales ou humaines. Dans les traditions abrahamiques et en particulier dans le judaïsme, la réincarnation se limite aux êtres humains : sauf dans de rares cas considérés comme des punitions divines (une personne qui aurait maltraité des chats qui se réincarnerait en chat), une âme humaine ne se réincarne que dans un autre corps humain. Pour les mystiques, le principe de la réincarnation offre à une âme la possibilité de poursuivre son cheminement spirituel sur plusieurs vies dans le but de se réaliser spirituellement. Ainsi, lorsqu’une personne meurt avant la réalisation spirituelle (ce qui est le cas de la plupart des gens), elle se réincarne sur terre après un temps passé soit en Enfer – s’il doit y avoir une purification – soit au Paradis, qui permet alors un temps de repos auprès de Dieu, entre deux expériences terrestres. Comme vu précédemment, ce principe donne du sens au verset 108 de la sourate 11 en expliquant la durée indéfinie d’un séjour au Paradis « tant que les cieux et la terre demeurent ». En islam, le principe de réincarnation se trouve développé uniquement chez certains soufis. Certains y font des références explicites : nous pouvons citer Nafasi, un soufi iranien du 13ème siècle qui déclare : « La réincarnation est une doctrine immémoriale qui a cours depuis des milliers et des milliers d’années parmi les hommes ».[4] Il considère que « l’âme individuelle prend successivement la forme du végétal, celle de l’animal et celle de l’homme ». En dehors du sunnisme, d’autres courants islamiques comme les druzes (branche de l’ismaëlisme) ou les alévis adhèrent à la réincarnation des âmes. Certains mystiques plus contemporains comme Ostad Elahi, mystique iranien du XXème siècle, également. Pour d’autres soufis, l’idée de la réincarnation n’est pas explicitement affirmée mais se retrouve dans leurs écrits. C’est le cas de Djalal al-Din Rumi dont certains passages du Mathnawi semblent y faire allusion : « Ce que tu vois clairement dans le miroir, le maître spirituel voit plus que cela dans la brique. Les maîtres spirituels sont ceux dont les esprits, avant qu’existât ce monde, étaient dans l’Océan de la Divinité. Avant ce corps-ci, ils ont vécu plusieurs vies ; avant de semer ils ont récolté les fruits. »[5] Maurice Gloton est plus ambigu sur la question de la réincarnation mais souligne certains versets coraniques pouvant y faire référence. Néanmoins, ces versets peuvent toujours être interprété autrement :
Nous avons décrété la mort pour vous – personne ne peut nous devancer – afin de vous remplacer par des êtres semblables à vous et vous faire renaitre dans un état que vous ignorez. (Coran 56 : 60-61)
Comment déniez-vous Dieu tandis que vous étiez morts et qu’Il vous a alors vivifiés, puis qu’Il vous fait mourir, puis qu’Il vous fait vivre, puis à Lui, vous êtes réintégrés ? (Coran 2 : 28)
Dans la sourate 56, le segment « renaître dans un état que vous ignorez » peut aussi bien désigner la résurrection de l’âme sans son corps, un corps lumineux et non matériel, ou un nouveau corps dans le cadre d’une réincarnation. La sourate 2 se veut plus explicite puisqu’elle évoque deux morts et deux vies avant la réintégration à Dieu. Si cette dernière étape désigne – nous l’avons vu – le Paradis, les étapes précédentes pourraient alors décrire deux incarnations terrestres différentes, donc une possibilité de réincarnation. Selon l’interprétation classique, la première mort désigne simplement l’état de notre âme avant sa création, la « vivification » est la conception et la naissance d’une âme sur terre, la deuxième mort sera alors notre mort terrestre, et la deuxième vie, la résurrection, avant la réintégration à Dieu. Au sujet de ce verset 28 de la sourate 2, Maurice Gloton indique qu’il évoque « différentes phases de la vie future sans qu’on puisse distinguer le contenu de chacune d’elle, contrairement à ce que l’on trouve dans l’eschatologie de l’Hindouisme et du Bouddhisme »[6]. Il s’éloigne ainsi de l’interprétation classique en considérant ces phases comme évoquant la vie future donc l’après vie terrestre, sans pour autant complétement valider la thèse de la réincarnation. De même, au sujet du verset 72 de la sourate 2, qui mentionne la mort d’un être par meurtre, il indique en commentaire, qu’il s’agit d’une « âme individuée dont le support corporel meurt » et que cette âme « reprendra un autre support tant qu’elle ne sera pas réintégrée en Dieu en mode actif. »[7] Là encore, il ne tranche pas explicitement, et « l’autre support » peut très bien évoquer un corps glorieux, lumineux, immatériel pour l’âme ou alors un autre corps physique.
Les étapes de la vie après la mort d’après la terminologie coranique
Le châtiment de la tombe
Le châtiment de la tombe est une croyance selon laquelle les morts destinés à l’enfer subiraient un châtiment similaire dans leur tombe avant la résurrection. Cette croyance s’appuie sur le verset suivant :
Et le mal de la correction s’empara des sujets de Pharaon : c’est le Feu auquel ils seront exposés, matin et soir. Un Jour, l’Heure se lève : « Faites subir aux sujets de Pharaon la plus rigoureuse correction ! » (Coran 40 : 45-46)
La précision temporelle évoquant un feu qui agit « matin et soir » ainsi que le fait que ce verset précède l’arrivée de l’Heure a conduit certains théologiens à conclure que ce feu précéderait la résurrection tout en visant des personnes déjà mortes. Ils considèrent ainsi que le Feu (Nar), qui désigne habituellement l’Enfer dans le Coran, ne peut pas concerner des personnes vivantes, mais uniquement des personnes décédées. Cette interprétation indique une vision limitée de la profondeur spirituelle de l’enfer qui – en tant que supplice de séparation avec Dieu – n’est pas restreinte à la vie après la mort mais concerne aussi notre vie d’ici-bas. Il est donc tout à fait possible d’être dans « le Feu » avant l’Heure dernière et avant notre mort, si nous sommes en enfer de notre vivant. De plus, le verset vise spécifiquement les sujets de Pharaon, à savoir les égyptiens qui opprimaient les hébreux à l’époque de Moïse. Le mal et la correction désignés par ce Feu sont donc les différentes plaies que Dieu a déversées sur les égyptiens. L’ampleur, la durée et la répétition de ces plaies suffisent amplement à qualifier les souffrances qui en découlent de « Feu ». La croyance du châtiment de la tombe ne trouve donc pas de traces sérieuses dans le Coran, et rien ne permet d’affirmer que les âmes défuntes subiront ce châtiment.
Vocabulaire coranique de la résurrection
Plusieurs termes arabes évoquent l’idée de résurrection dans le Coran :
- L’Heure (sa’t) : racine qui exprime la division du temps, être laissé en liberté, heure, moment, temps, instant, heure du jugement dernier
- Jour de la Résurrection (qiyama) : se lever, s’élever, exister, surgir, s’arrêter, persévérer, ressusciter, triompher, révolution, soulèvement
- L’Ultimité (akhr) : venir à la fin, être différé, ultimité, vie future, extrémité, dernier
- Jour du jugement (din) : coutume, tradition, religion, redevance, rétribution, jugement, obéissance, être fidèle
- Rassemblement (hashara) : rassembler, réunir, réssusciter, multitude, fin
Proposer une ou des interprétations concrètes à partir de ces différents termes demande de faire preuve de prudence puisqu’évidemment, nul ne peut prétendre maîtriser la juste compréhension de ce à quoi renvoie ces notions coraniques. Il s’agit simplement d’aborder quelques pistes de réflexions, soumises à votre plein discernement, et non à trancher un sens spécifique et définitif. En effet, le Coran invite à la plus grande humilité à ce sujet, comme le faisait le Prophète :
Ils t’interrogent sur l’Heure : « Quand arrivera-t-elle ? » Dis : « Sa connaissance se trouve seulement auprès de mon Seigneur. Lui Seul la rendra clairement manifeste en son instant. Lourde elle sera dans les cieux et la terre. Elle ne viendra à vous qu’à l’improviste ». Ils t’interrogent comme si tu en étais averti. Dis : « Sa connaissance se trouve seulement auprès de Dieu ». Mais la plupart des humains ne savent pas. (Coran 7 : 187)
La compréhension majoritaire consiste à voir en ces différents termes arabes des synonymes désignant la même réalité : l’Heure, le Jour de la résurrection, et le Jour du jugement et du rassemblement désignent un même moment et différentes étapes se succédant et conduisant à la vie Ultime. Ainsi, au moment de l’Heure, qui désigne un instant précis et définit, connu par Dieu seul, les âmes sont ressuscitées, rassemblées puis jugées selon leur foi, leurs œuvres et leur état spirituel avant d’accéder à la vie ultime à savoir le Paradis.
Une autre lecture possible est de considérer l’Heure non pas comme le jour de la fin des temps et d’une résurrection collective, mais comme la mort individuelle et la résurrection individuelle de chaque âme après sa mort. Chaque âme aurait alors son Heure et serait élevée après sa mort à des moments distincts. Cette option rend possible l’idée de réincarnation. Quant au jugement, il peut aussi avoir lieu de manière individuelle puis collective : le jugement individuel ayant lieu après la mort ou après chaque mort, le jugement final et le rassemblement auront lieu la fin des temps. L’âme est alors jugée sur son évolution spirituelle et l’état final qu’elle atteint à la suite de plusieurs incarnations. Ainsi, les âmes ne sont plus dans un état « d’attente » dans les tombes après la mort – l’idée du châtiment de la tombe est justement venu combler ce « vide » interprétatif, afin d’expliquer ce que vivent les défunts en attendant le jugement dernier. Ceci permet également d’expliquer l’éventuelle « communication » entre un défunt et un être vivant. Par exemple, certaines personnes voient leur proche décédé qui leur apporte un message au cours d’un rêve, quand d’autres rêveront d’un Prophète. On peut bien sûr tout à fait considérer que ces visions oniriques sont des messages de Dieu, adressés à notre âme, sans être réellement une communication directe avec le défunt ou le Prophète en question. Néanmoins, si l’âme d’un Prophète « attend » dans sa tombe, il n’est alors pas pleinement auprès de Dieu, ce qui pose problème sur le plan spirituel et théologique. L’idée d’un étalement des étapes eschatologiques en deux temps – l’un directement après la mort et l’autre collectif au moment de la fin des temps – permet de répondre à certaines interrogations sans pour autant apporter de réponses indiscutables et pleinement satisfaisantes.
Une dernière approche permettrait d’envisager la complexité de cette thématique en sortant de notre prisme rationnel pour changer d’échelle. En effet, la temporalité n’existe que dans le monde créé. A l’échelle de Dieu, il n’y a plus de temps, car Dieu est le créateur du temps. Ainsi, l’idée « d’attente » dans les tombes fait appel à l’écoulement temporel pour appréhender une réalité qui n’en a plus : la mort. Après notre mort, nous sortons de l’espace temps. Autrement dit, à l’échelle divine, l’Heure a déjà eu lieu. Nous avons déjà été résussité, rassemblé et jugé. Cette approche me parait la plus pertinente même si elle reste difficile à appréhender avec notre esprit humain soumis à l’espace temps.
[1]Al Ajami, Que dit vraiment le Coran, « Les houris selon le Coran et en islam », https://www.alajami.fr/index.php/2019/06/21/les-houris-selon-le-coran-et-en-islam/
[2] Henry Corbin, L’imagination créatrice dans le soufisme d’Ibn Arabi
[3] Maurice Gloton, Le Coran – Essai de traduction et annotation, note de bas de page de 2 : 39
[4] Eric Roux, « Exercice de réincarnation », https://rebelles-lemag.com/2021/12/20/exercice-de-reincar-natation/
[5] Djalâl-od-Dîn Rûmi, « Mathnawi », Livre II
[6] Maurice Gloton, Le Coran, Essai de traduction et annotations.
[7] Maurice Gloton, Le Coran, Essai de traduction et annotations.
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.